Récit de Guillaume qui est venu se fabriquer un all road à l’atelier des clipains Salamandre;
« 1366, un Supeyres all road
1366 est l’altitude du col des Supeyres, le col routier qui permet de franchir les Monts du Forez, à la cime du village de Valcivières où je vis.
1366 est désormais le nom de mon nouveau vélo de route longue distance, un Allroad. Le Allroad, c’est un vélo destiné à rouler sur asphalte, avec du confort. Il permet de rouler sur des petites routes en mauvaise état, et au besoin sur des pistes très roulantes. C’est ce type de vélo que j’utilise depuis une dizaine d’années pour des sorties plus ou moins longues, des longs périples avec un peu de chargement, des courses d’ultra distance. C’est ce que j’appelle la « Randonneuse moderne ». Les caractéristiques techniques sont : une géométrie donnant une position bien relevée, des freins à disques, des pneus assez larges (aux alentours de 32), la possibilité de monter de garde boue, des éléments confortables (roues, selle, guidon). C’est en gros à mon avis le type de vélo qui devrait être utilisé par 80% des cyclistes amateurs, si les sirènes du marketing ne les faisaient pas sombrer dans les abîmes de la rigidité et de la légèreté à tout prix. Mon premier Allroad a été un Specialized Diverge (en alu Smartweld, un matériau assez bluffant), puis depuis 2016 un Kona Roadhouse en acier Reynolds 853, une monture fiable et incroyablement tolérante qui me ravit depuis. Un vélo « tolérant », c’est un vélo qui ne demande pas à ce qu’on lui rentre dedans pour avancer, un vélo que l’on ne subit pas, un ami qui vous accompagne même dans les moments très difficiles, un vélo facile, même après des longues heures et des jours de selle.
Le seul bémol du Roadhouse est que ma morphologie fait qu’une géométrie « standard » ne me convient pas parfaitement: des grandes jambes, des genoux sensibles demandant une grande hauteur de selle, un corps à la fois hyperlaxe et manquant de souplesse (paye ton profil Tinder… 😀 ). J’ai bidouillé en montant une potence hyper courte et haute, mais ça me plaît moyen. L’idée était donc de me fabriquer un cadre avec les mêmes tubes, et une géométrie revue.
C’est aussi bien sûr l’occasion de franchir enfin le pas d’aller à l’atelier des Clipains Salamandre fabriquer un cadre avec mes deux mains, et l’aide précieuse de l’ami Pascal. Faisant partie des membres fondateurs de l’association, il était temps de me jeter à l’eau 😀. Les quelques essais de soudures que j’ai pu faire auparavant à l’atelier ne m’ont pas trop mis en confiance (je tremble pas mal, et ne vois pas très bien de près). Je pars donc avec une faible attente niveau finitions. Le but est de faire un vélo qui roule, tant pis s’il n’est pas super fignolé.
Pour dessiner la géométrie, on s’est basé sur les valeurs du Kona, que j’ai modifiées pour adapter ma position. Pas très facile. Si je maîtrise bien les réglages de côtes que je manipule depuis longtemps avec mes clients, les paramètres auxquels il faut faire attention pour la fabrication me sont inconnus. Mais Pascal est là et à deux on pond un truc qui semble pas mal.
Le lendemain de Noël, me voilà donc parti pour Chadouillet, sans date de retour très précise. Je veux prendre le temps de bien faire les choses, sans pression, apprécier le moment. Pascal m’offre sa disponibilité généreuse, il n’y a donc pas de « Deadline ». Nous avons tous deux fait des choix de vie nous offrant cette possibilité de « perdre » notre temps, on a beaucoup à y gagner… 😉 Arrivée tranquille à Chadouillet (il fait un froid de gueux), apéro et dîner à la cool.
Le lendemain, 27 décembre, tour de vélo pour aller au marché (j’emprunte l’incroyable Exploziv de Jean-Gui en convalescence à l’atelier), puis la fin de matinée et le début d’après-midi sont consacrés à l’initiation à la soudo-brasure. Ensuite on rentre dans le vif du sujet, la fabrication des bases. La fabrication de 1366 commence donc le jour de mon anniversaire, joli signe.
Je suis bien perdu dans les tâches à accomplir, les mesures à prendre, les calculs à faire. Autant je me sens parfois très intelligent et efficace, autant je peux me sentir parfois idiot dans ce type de situations, à ne pas comprendre l’intérêt et le déroulement des actions à faire. Pascal me guide, m’aiguille, mais j’essaye de chercher par moi-même quand je peux. Les problèmes se résolvent un par un, petit à petit. Le fait d’avoir le temps permet de rester tranquille, de ne pas stresser, de gérer la consommation d’énergie mentale.
Le 28 les bases sont terminées, et la journée se termine par le réglage du gabarit servant à assembler le triangle avant.
Le 29 on découpe et gruge les tubes, pose les inserts, puis pointe le triangle. Pointer, c’est faire un point de soudure pour « assembler les morceaux », avant de faire la soudure complète. Toute cette phase est motivante, car ça va assez vite, on voit le chantier avancer concrètement.
Le 30 c’est relâche à la sauce Pascal : une « petite » sortie de VTT… Pas plus de 3 heures… Évidemment on rentre au bout de quatre heures. Je n’avais rien pris à manger et pas assez d’eau… et pourtant je commence à bien le connaître le bougre, mais j’arrive encore à me faire avoir… 😀 On a reconnu le parcours du prochain rassemblement de l’association lors de l’AG. Un parcours bien joli, varié, et vraiment accessible techniquement pour tout le monde, ça va être chouette.
La fin de journée est consacrée à la préparation des haubans, séquence compliquée, mais le soir ils sont pointés !
Le 31 on peut donc attaquer la soudure de l’ensemble. Opération étonnamment très rapide au regard du reste, moins d’1h30. Contrairement à ce que l’on peut croire, le temps consacré à la soudure est assez faible dans la fabrication d’un vélo.
Le cadre semble quasi finit, reste plus qu’à poser les inserts (porte bidons, garde boue, supports gaine et durits). Mais un truc m’interpelle, il me semble que l’axe arrière n’est pas droit pas rapport au boitier… On enfile une roue et effectivement c’est carrément de travers. Le drame, tout ça pour ça… moment de flottement. Rester zen, faire confiance, on va trouver une solution… On discute, on réfléchit ensemble, et Pascal me dit de couper un hauban à la disqueuse. Là je ne fais pas le malin, mais je ma lance. On coupe, on refait la brasure, et hop c’est droit. Ouf. Le cadre est définitivement soudé avant l’apéro du 31, cool !
Un réveillon au coin du feu, en duo autour de la choucroute maison que William nous avait laissé en prévision. C’est pas la grosse fiesta mais le moment est bon à partager. Comme un b’let j’ai laissé chez moi la bouteille de Champagne prévue… tant pis on trinque à la Duvel.
Le 1r janvier 2025, je fignole les quelques détails finaux, notamment la pose d’une plaque « headbadge » reprenant le logo Salamandre sur la douille de direction. Classe et chargé de sens. Peu de mots mais beaucoup d’émotions partagées avec Pascal.
Il est temps de rentrer à la maison avec 1366. Je suis impatient de le monter (je vais transférer tout le matériel du Kona) pour faire un premier test de validation avant peinture. Un retour en bagnole sur cette superbe route entre Chadouillet et chez moi, à travers Ardèche, Lozère, Haute-Loire et Puy-de-dôme, des coins on l’on peut profiter d’une vie riche et sereine, où les échanges humains ont encore leur place. Radio Craponne m’accompagne sur le final grâce à Supernature de Cerrone. Un tube datant de l’époque de ma naissance. Je pense au chemin parcouru pour en arriver où je suis, l’envie de continuer désormais à construire pour me construire…
Construire pour se construire, avec les Clipains, c’est possible, lancez-vous !!!
Guillaume »