Cette idée ne pouvait venir que de Guillaume qui avec sa « bougitude », son attirance pour les pays froids et surtout de ses sentiments envers Yann.
Pour ma part je ne me suis pas posé de question, en hommage à Yann et organisé par guillaume, j’y vais, point !
Je me suis amusé à fabriquer « rustine » pour l’occasion, un vtt 29+ rigide pour être à la fois efficace à vtt en Ardèche, pouvoir servir d’utilitaire et faire des voyages en vélo.
Je n’ai fait aucun test de chargement, il a été fait le jour du départ. J’étais bien sûr beaucoup trop chargé, j’estime à 30 kg ce qui pour un poids de corps de 60 kg fait 50%, beaucoup trop ! Ajouté à mon absence de roulage, je ne fais que jouer dans les marnes en Ardèche, le reste m’ennuie.
Nous voilà arrivé à Tyndrum, petite bourgade Ecossaise et à notre surprise très touristique ! Un flux permanent de va et vient de moteurs à explosions sur 2 ou 4 roues nous donnent rapidement l’envie de partir à vélo retrouver un peu de quiétude.
Il pleut, nous sommes bien en Ecosse !
Nous partons à six, avec Guillaume, Sébastien, Gilles, Eric, Olivier. Deux Salamandre, un Clipains Salamandre, 2 tout mou et un ti.
Je prends rapidement la mesure de mon absence de roulage qui associé à un vélo trop lourd me relègue systématiquement loin derrière dès que la pente sort de la « platitude ».
Le premier jour est ponctué de traversés de cours d’eau, de prés à moutons et de barrières sur piste ou route donc roulant. Je prends cher, je n’aime pas le roulant et les autres sont bien plus rapides que moi. Je les retrouve car ils s’arrêtent souvent et moi non, je n’aime pas ça car cela à tendance à me couper les jambes, déjà que j’en ai pas beaucoup ! Mon objectif est à présent de me caler sur leurs rythmes tout en sachant que je perds beaucoup de temps à la monté, ça m’occupe mais m’agace quand même un peu de devoir me mettre à bloc alors qu’eux semblent ne pas forcer. Je me pose surtout pas mal de questions sur la faisabilité du projet dans ces conditions.
J’ai omis de dire que je suis parti sans gps, je n’aime pas ça et j’en ai pas. Cela m’oblige à suivre les autres, j’ai la carte sur mon téléphone mais ce n’est pas gérable sur une telle distance.
Le premier bivouac se passe bien, nous somment dans un refuge à l’abri de la pluie qui tombera toute la nuit.
Je pars le matin plus tôt que les autres pour anticiper leur avance plus rapide. C’est un sentier sympa dans une belle ambiance, dommage qu’il ne dure pas plus longtemps ! Cette journée va être à nouveau difficile pour moi, beaucoup de route et de piste, je peste et râle car le parcours m’ennuie profondément.
Anecdote du jour, Guillaume qui est d’habitude toujours devant est pour une fois derrière et me dit » tu n’as rien oublié ? » et il me tend mes clés de voiture !! Je les avais mise dans une poche d’une des sacoches arrières et celle ci s’est décollée. Autant dire que c’est un gros coup de chance ou un signe que nous allions boucler ce parcours ensemble.
Le second bivouac se passe bien, avec tout le matos emmené c’est le minimum ! Opération tiques, qui sont très nombreuses et empêchent de se poser tranquille dans l’herbe.
Le lendemain est dans la lignée, temps gris et vent de face assez fort. Beaucoup de pistes et de routes, ça m’agace de plus en plus !! Je roule quasi toujours seul en chasse patate derrière, je peste sur ce parcours de routard.
Nous nous retrouvons et mangeons dans un fish and chips qui commence à m’écœurer de plus en plus, il va falloir trouver autre chose que du poisson frit.
Ma chemise que j’avais attaché sur mon porte bagage est passée dans le moyeu arrière dans une descente rapide occasionnant un blocage de la roue arrière, sensations garanties ! Elle est détruite…. Il en sera de même quelques jours plus tard pour mon mérinos !
Je me retrouve avec Guillaume et nous cherchons un emplacement pour bivouaquer le soir. Ce sera dans un prés à mouton et entre des murs en pierres à l’abandon.
Je ne m’en rends pas compte tout de suite mais je rentre peu à peu dans le périple et me laisse prendre par cette atmosphère assez particulière de l’Ecosse, sauvage et hostile. Je commence à me faire plaisir en fait, d’une part parce que le terrain devient plus vtt et parce que mon organisme commence à s’habituer à l’effort et au poids du vélo. J’ai moins à gérer pour rester au contact des autres en étant plus souvent avec Guillaume, on commence à s’attendre, lui sur le roulant et moi dans les parties vtt.
Nous ferons le reste du parcours ensemble, accord tacite car non verbalisé, mais bien plus viable en fait, car nous avions tout simplement envie de rester tous les deux.
Nous arrivons dans les paysages sauvages, où l’homme est peu voir pas présent du tout. Tout n’est que nature à perte de vue, j’aime cet isolement qui est impossible à trouver en France. Nous allons recroiser Seb et Olivier, ils roulent plus vite que nous mais des soucis de genou pour Olivier font qu’au final la progression n’est pas plus efficace. En fait chaque binôme de trajet pour arriver en Ecosse restera formé. Nous apprendrons plus tard les mésaventures d’Eric et Gilles qui après des petits détours ont eu des soucis mécaniques, ce qui obligea Gilles à rentrer par la route, il était ravi !
Nous attaquons la boucle du nord, la plus belle, la plus sauvage, la plus dure, celle qui donne un véritable sens à ce périple, celle qui aurait inévitablement séduit Yann. Nous évoluons dans les meilleures conditions météo, c’est à dire, froid, vent et pluie. Ces mêmes conditions que je n’aime pas du tout en France dans ma vie de tous les jours, mais là dans ce contexte sont tellement en harmonie avec ces terres si hostiles et captivantes.
Nous poussons, beaucoup, le sol est spongieux et nos roues s’enfoncent dans cette tourbe détrempée, chaque mètre de progression l’est grâce à une dépense énergétique bien trop importante. Les pentes sont raides voir très raides, pousser un vélo de 30 kgs dans ces conditions est vite épuisant.
Je vais quasiment rouler 8 jours avec ma doudoune, chose qui ne m’arrive jamais, même au plus froid de l’hiver en Ardèche.
Petit soucis de tendinite à la malléole. Au début je pensais que cela était dû aux nombreux poussages avec le corps décalé à cause des sacoches arrières, j’ai l’habitude de pousser mon vtt des journées entières mais pas dans cette position. En fait après moulte réflexions et tests, c’était juste la hauteur de selle qui n’était pas bonne. Avec la selle Infinity les réglages sont différents et comme j’avais très peu roulé avant de partir, genre juste faire les marché de st Paul à 6 kms, la hauteur n’était pas bonne. J’ai donc altéré les positions de la selle avec la tige de selle télescopique, car en baissant j’atténuait la douleur sur la malléole mais je réveillais des douleurs aux genoux. Cela m’a pas mal occupé en fait !
Les paysages, même s’ils sont toujours basés sur des collines verdoyantes avec de l’eau omniprésente sont variés et surtout chargés d’ambiances que l’on ne retrouve que là bas.
Dans l’après midi du cinquième jour, je me rends compte que j’ai perdu une sacoche arrière ! Depuis quand, où ? Impossible de m’en souvenir puisque je ne m’en étais même pas aperçu au roulage. Cette sacoche contenait le réchaud, de la nourriture et des vêtements. Guillaume réagit rapidement et me dit vouloir faire demi tour pour la retrouver, devant sa détermination et ma fatigue j’acquiesce bien volontiers.
Et j’attends, j’attends, le soleil descend ainsi que la température. Passé 2h, je fais le bilan sur la perte de la sacoche et me résous à continuer sans. 3 heures passent, toujours pas de Guillaume. Et puis. Le voilà qui revient, je ne vois pas la sacoche, tant pis. Mais en fait si il l’a retrouvé !! Difficile de poser des mots sur de tels moments, enfin si, merci Guillaume.
Nous évoluons ou roulons toujours dans ces vastes étendues sauvages, nous passons des cols de montagne qui me donnent du baume au coeur.
Les bivouacs ne sont pas toujours faciles, non pas à cause d’une quelconque présence humaine mais du fait du sol quasi toujours humide et recouvert de grosses mottes d’herbes. Nous passons des fois beaucoup de temps pour trouver un endroit moins pire qu’un autre. Nous commençons à rentrer dans une certaine routine, à faire et défaire tous les jours nos affaires. Le vélo est bien trop lourd la journée mais les nuits bien confortables, l’inverse induit des nuits bien courtes et peu réparatrices. Nous dormons beaucoup, les jours sont très longs là bas mais le sommeil est indispensable pour avancer le lendemain.
Un bruit inhabituel me réveille, la toile de ma tente vacille, que ce passe t’il ?
Le vent est fort, il pleut, c’est la tempête !
Autant dire que le rangement du campement fut plus qu’efficace et nous voilà partis.
Quand j’y repense, un plaisir immense m’envahit, quelle aventure, quelle journée incroyable. Nous sommes toujours dans les steppes Écossaises à perte de vue, mais sous une tempête qui impose d’avancer coûte que coûte. Nous avons gravi un sommet, notre Everest du trip tellement les conditions, le sentier, notre fatigue étaient à leurs paroxysmes. Je me souviens très bien en pleine tempête, dans le vent, la pluie et le froid gravir d’énormes marches avec nos vélos bien trop lourds, m’être tourné vers Guillaume pour l’interroger du regard et avoir rit tellement la situation était irréelle. La descente fut épique, je me suis régalé à dévaler ce sommet détrempé, glissant de partout mais ayant tout de même un certain contrôle grâce au poids du vélo.
La cafetière, élément aussi indispensable qu’inutile dans ce genre de trip, mais pour Guillaume impossible de démarrer correctement une journée sans une bonne dose de caféine. Donc avec la tempête impensable de se faire un café même pour un addict, nous avons roulé un bon moment avant de trouver une accalmie et là c’est la pause café. Mais visiblement ce jour là Guillaume n’aurait pas son café avant un bon moment car cette fois ci c’est le briquet qui étant humide ne voulait pas délivré cette étincelle tant attendue. Du coup mon compagnon de voyage était plutôt bougon et cela me rendait plutôt hilare.
Nous avons passé des journées entières à ne voir que des collines, de l’herbe et de l’eau.
Nous allons longer un bon moment la côte ciselée, cela permet de voir d’autres paysages mais pas de roulotter tranquillement, cela ne fait que monter et descendre.
Après une journée bien difficile nous trouvons un magnifique bivouac en bord de lac sur une belle pelouse proche d’une forêt. Notre rêve fut de courte durée car les midges font leurs apparitions. Pas de soucis, nous mettons nos protections sur nos têtes et rigolons de cette première rencontre. Puis cela devient vite très désagréable car les midges, ce sont en fait des petites mouches qui sont des centaines à nous tourner autour et ils arrivent même à passer sous la moustiquaire et nous piquent sur le visage. La soirée est forcément écourtée et nous fuyons dans nos tentes. Le lendemain matin, le peu de temps que nous demandera le rangement de nos affaires permettra aux midges de nous piquer à nouveau sur toutes les parties du corps non couvertes.
Nous fuyons à nouveau !
Après une heure ou deux, nous nous posons et inspectons les dégâts, nos visages, nos jambes et nos bras sont intégralement piqués. Gros fou rire en voyant nos têtes.
Les ravitaillements sont peu nombreux voir inexistants sur des journées entières ,c’est pourquoi il ne faut pas se louper pour espérer manger suffisamment. Le souci de ce genre de trip c’est que l’on dépense beaucoup d’énergie, on a toujours faim et souvent des envies pas vraiment en accord avec une bonne alimentation, il n’y a pas forcément beaucoup de choix non plus. Cela coûte également assez cher voire très cher, cela devient vite un budget. Tiens à ce sujet j’ai une petite anecdote, au bout du x jours nous arrivons dans une petite ville et je commande à manger, ma CB ne passe pas et après plusieurs essais je règle en espèces. Un peu plus loin nous apercevons un distributeur de billets et j’y vais car je n’ai plus d’espèces, CB à nouveau refusée ! Je me connecte à internet via mon téléphone pour consulter mon compte bancaire et la raison est simple, mon compte est vide. Ce sera donc encore une fois Guillaume qui me permettra de finir le trip.
La pluie, la grisaille, le vent, le froid laissent place au soleil et à une météo clémente. L’ambiance en prend un coup, cela devient plus commun et nous arrivons sur des zones plus touristiques. Les sentiers sont sympas voir même plutôt joueurs et je m’amuse bien avec Rustine, Guillaume sans tige de selle télescopique et avec une sacoche de selle qui ne permet pas de baisser la hauteur de selle, galère.
Le soleil sur la peau attise mes démangeaisons dues aux piqûres de midges, une vraie plaie ces bestioles ! Nous étions tellement angoissés par leurs présences qu’à chaque arrêt nous attendions un peu pour voir s’ils arrivaient ou pas. Il y a des secteurs infestés et d’autres non, il faut être vigilant sur ses bivouacs !
Je me suis physiquement bien intégré au voyage, je commence à prendre plaisir à passer les secteurs vtt à la montée en pédalant sans me faire exploser les jambes ni le cœur.
La fin approche, mélange de soulagement et d’envie que cela continue. Je hais toujours autant les pistes à perte de vue mais cela fait partie du voyage et j’ai toujours Guillaume en ligne de mire pour me motiver à avancer.
Nous finissons ensemble avec Guillaume, un beau voyage, une belle aventure humaine partagée partiellement avec toute l’équipe et pleinement avec Guigui. C’est chargés d’émotions que nous refermons la dernière barrière à moutons, la 200 ème certainement tellement il y en a eu. Nous sommes accueillis comme il se doit sur la ligne d’arrivée, en fait non c’est le premier de la race qui va arriver juste après nous. Son état physique ne faisait pas envie, il a roulé non stop le même parcours mais pas du tout avec la même approche, il a battu le record, tant mieux pour lui.
Ce fut avec le voyage aller/retour en voiture une belle parenthèse, un ciment d’amitié.
J’espère avoir apporté à Guillaume par ma présence autant qu’il m’a apporté par la sienne.
Guillaume un ami bienveillant, addict à la caféine et routard.
Yann, merci pour l’idée et de nous avoir accompagnés le long de ce beau voyage !
Pascal